Ne le dis pas à maman...

Comment chialer à coup sûr dans un train bondé comme si on était seul dans son canapé ?

Voilà une recette infaillible :

- Prenez une maman crevée par une longue journée qui attend son train du soir devant le relais H.

- Ajoutez une envie de lire et laissez la regarder la vitrine, immédiatement attirée par cette photo de petite fille à l'expression si inhabituelle : un visage fermé qui évoque un mélange de tristesse et de colère.

- Regardez-la prendre le livre, lire la 4^e de couverture "J'avais confiance en l'amour de ma mère. Elle lui dirait d'arrêter. Elle n'en fit rien. L'histoire bouleversante d'une petite fille face à l'inceste et à la trahison..." puis reposer le livre aussitôt "voilà bien un sujet trop dur pour moi"

- Et puis quelques minutes plus tard, surprenez-la à revenir prendre le livre et l'acheter "réflexion faite, si l'auteur a écrit ce témoignage, c'est certainement pour exorciser ses démons mais sans doute aussi pour que nous ayions un regard différent"

Comme plus de 600 000 lecteurs, j'ai donc moi aussi lu ce témoignage bouleversant, dont on ne ressort pas tout à fait indemne.

J'ai contenu mes larmes jusqu'à environ la 200^e page et puis le flot est sorti, intarrissable.

Il y a bien sûr l'horreur du père qui des années durant abuse de sa fille.

Mais la question centrale ici est bien le rôle de la mère qui ferme les yeux et fait passer l'amour de son mari avant celui de sa fille.

Bien sûr, généralement, c'est de l'amour pour un homme que naît un enfant, mais peut-on ensuite sacrifier le fruit de cet amour pour tout accepter de l'homme qu'on aime ?

Et puis, il y a ce paradoxe de la petite fille puis de la jeune adolescente qui aime tellement sa mère, seule personne à qui elle peut vraiment s'accrocher, qu'elle ne peut l'accabler, même au procès.

On en ressort bouleversé car même si la justice à un moment est prononcée, quelques années de prison ne sont rien au regard de toute une vie gâchée.

J'ai lu ce livre en pensant à son auteure, aux horreurs qu'elle a vécu, au courage qui lui a fallu pour l'écrire. A chaque page, j'avais une envie irraisonnable d'entrer la page, de lui tendre la main et de la sortir de ce cauchemar.

Je savais que je n'aimerais pas "l'histoire" bien trop cruelle, j'ai admiré le style narratif, c'est un livre vraiment bien écrit.

C'est juste intolérable d'avoir eu une si horrible histoire vraie à écrire.